l’animal et s’en prendra par la suite à un être humain généralement faible. C’est pourquoi en punissant sévèrement les actes de violence à l’encontre d’un animal on contribue aussi à prévenir les crimes envers les enfants.
Pour illustrer ce principe, Sherry Schlueter mentionne l’étude que le FBI mène depuis 1970 sur l’histoire des tueurs en série aux Etats-Unis. Le point commun entre tous les meurtriers, en plus du fait qu’ils avaient tué et torturé plusieurs humains, est qu’ils ont tous commis des actes cruels envers des animaux, souvent dans leur enfance. Parmi la liste des criminels fournie par Sherry Schlueter on peut citer deux cas. Tout d’abord celui de Jefferey Damer qui, après avoir tué 17 personnes, avait pris l’habitude de manger leurs cadavres. Dans son enfance il chassait et torturait des petits mammifères, puis empalait ses victimes et exposait leurs cadavres dans son jardin. Considérant ce comportement quelque peu bizarre mais non alarmant, les voisins se sont bornés à photographier les animaux empalés, sans signaler ce cas à la police, qui de toute façon n’aurait alors donné aucune suite. Autre cas plus récent : Andrew Cuman, assassin de Gianni Versace, qui a avoué le meurtre de 5 personnes, et avait pour passe-temps favori de chasser des crabes qu’il sortait de l’eau pour leur brûler les yeux.
Et Sherry Schlueter d’insister « En démontrant le lien entre les crimes sur les animaux et les crimes sur les humains on amène à sensibiliser également les personnes qui ne se préoccupent pas des animaux en tant que victimes. On peut ainsi les convaincre qu’en identifiant et en réagissant aux actes de cruauté envers les animaux, particulièrement si l’auteur est un enfant, en le prenant en charge psychologiquement, on peut éliminer le risque qu’il ne commette ultérieurement des crimes sur des humains».
Bien sûr Sherry Schlueter est consciente que la violence sur les animaux ne se limite pas aux animaux domestiques et que celle commise sur les animaux destinés à la boucherie a également des répercussions importantes sur le comportement des humains. C’est pourquoi, végétalienne de longue date et adepte de la nourriture crue, elle est également très engagée dans la promotion du végétarisme et de la protection des animaux en dehors de son travail, en étant active notamment au sein de comités d’une dizaine d’associations.
Après son exposé qui a été très apprécié du public, mais malheureusement limité dans le temps, le sergent Schlueter a aimablement accepté de répondre à nos questions. Pratiquement comment fonctionne votre unité? Mon unité est composée de 6 inspecteurs et moi je suis le superviseur. Dès qu’on est informé d’une plainte concernant un mauvais traitement envers un enfant ou un animal, un agent de police se rend sur place pour une première enquête. Si la plainte se révèle fondée, mes inspecteurs prennent le relais et nous effectuons une enquête.
Quel est ensuite votre pouvoir d’intervention ? Nous avons le pouvoir d’arrêter les coupables et de les faire juger. En Floride, j’ai contribué à faire passer une loi en 1988 qui stipule qu’un acte criminel envers un animal impliquant une violente torture ou une mise à mort ne soit plus considéré seulement comme un délit mineur mais comme une félonie. Ainsi le coupable est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 10’000 $ et risque jusqu’à 5 ans de prison. Plusieurs criminels ont été condamnés selon cette loi et l’effet dissuasif se remarque. A ce jour, il n’y a eu aucune récidive.
Comment ont réagi vos collègues policiers à votre travail ? Au début, c’était très difficile. L’idée de s’occuper d’animaux était souvent tournée en ridicule. Heureusement que j’ai suffisamment de caractère pour résister. Je me souviens du jour où l’on a dû intervenir dans un cas de violence familiale où un animal de compagnie était parmi les victimes. J’avais envoyé par radio l’instruction de faire chercher l’animal. Sur d’autres fréquences d’autres collègues visiblement « amusés » s’envoyaient des messages sous formes de « miaouwww »…Mais les choses évoluent. Maintenant grâce en particulier à la loi qui réprime plus sévèrement les crimes envers les animaux, les policiers prennent ce sujet plus au sérieux et sont davantage motivés pour arrêter les coupables.
La TV Suisse Romande a diffusé une émission sur les enquêtes de la police américaine démontrant le lien entre les crimes sur les animaux et les crimes sur les humains. Grâce à votre unité cette idée fait son chemin et intéresse les médias. J’imagine qu’aux Etats-Unis votre travail rencontre également un écho médiatique, cela vous a-t-il aidé? C’est vrai que mon unité qui sort de l’ordinaire intéresse beaucoup les médias. Ils ont toujours décrit mon travail de manière positive. Cela a permis de faire connaître la loi punissant les crimes sur les animaux auprès de la population, avec un effet préventif certain. D’autre part cela incite la population à dénoncer les cas d’abus envers les animaux, puisqu’elle sait à présent que leur plainte ne restera pas sans suite. Quant à la réaction de mes collègues face à l’intérêt médiatique, le point positif est qu’il a contribué à faire mieux respecter mon travail.
Existe-t-il d’autres unités de ce type aux Etats-Unis ? Pour le moment pas encore, mais je suis en contact avec la police de Californie qui a l’intention de créer une unité similaire.
Merci Sergent Schlueter pour cet interview et bonne chance pour la suite de votre travail.Christina Maier