1. INTRODUCTION
Serrenia de Guenca, Espagne.
Un troupeau de quelques 500 moutons passe au loin. Au sein du troupeau deux silhouettes se distinguent par leur taille. Je donne un coup de jumelles : ce sont deux grands chiens. Ils marchent avec nonchalance, la tête et la queue basses, entourés de brebis et d'agneaux. Tout est calme.
Une technique vieille de plusieurs siècles mais tombée dans l'oubli refait surface : les chiens de protection pour éviter aux troupeaux différentes formes de prédation. Pour les moutonniers, les chiens représentent un problème majeur ; comment peuvent ils être, en même temps. la solution à ce problème ? En Europe, en effet, les animaux qui causent le plus de dégâts aux ovins sont les chiens domestiques. Si un chien s'.approche d'un troupeau, même en marchant, les moutons vont fuir. Si le chien se met à courir, ce sera la panique qui se terminera, le plus souvent, par la mort de dizaines de moutons.
Incognito, je traverse le vallon qui me sépare du troupeau et me poste à une cinquantaine de mètres de l'endroit où il va passer dans quelques minutes. A peine arrivé, alors que je commence à entrevoir les premières brebis, de gros aboiements espacés se font entendre. Un des deux gros chiens (il doit faire une cinquantaine de kilos) s'avance vers moi en lisière du troupeau. Il porte la tête et la queue hautes, les poils de son échine sont hérissés, mais ses oreilles sont en arrière. Il évite de me regarder et ses aboiements sont des signaux sans agressivité. Autant de témoignages qui me font comprendre qu'il me teste : ami ou ennemi ? Je suis l'intrus et représente, à priori, un danger pour le troupeau.
Mais, tant que le danger potentiel que je suis ne se sera pas exprimé concrètement, le chien ne montrera pas d'agressivité. Je reste immobile, je ne le regarde pas et je continue à observer les brebis qui mangent comme si de rien n'était. Le chien cesse d'aboyer. Quelques minutes plus tard, une fois que l'ensemble du troupeau sera passé et déjà loin de moi, le chien le rejoindra. A quelques mètres du troupeau, sa queue se baisse ainsi que sa tête et son allure retrouve sa nonchalance. Il réintègre le troupeau sans que les moutons le fuient. Il est maintenant repris dans la masse des moutons, élément ordinaire du troupeau au pâturage.
Il n'y a pas de doute que certains chiens peuvent protéger les moutons, mais dans quelles conditions un chien de protection est il une solution intéressante contre la prédation ?
Lorsqu'un chien de protection représente une solution intéressante pour protéger un troupeau, comment un éleveur doit il dresser et utiliser un tel chien et quels sont les inconvénients d'une telle utilisation ?
Un éleveur/berger qui subit des pertes importantes dues à la prédation peut être motivé pour résoudre les problèmes inhérents à la mise en place et à l'utilisation d'un chien de protection. Par contre si les pertes sont faibles ou inexistantes, l'éleveur/berger pourra penser que les efforts que nécessitent la mise en place d'un chien de protection sont trop lourds et ne justifient pas la charge supplémentaire de travail. Les avantages de la mise en place d'un chien de protection dans un troupeau ne peuvent être obtenus sans un investissement de temps et de patience.
Certains pensent que l'introduction d'un chien de protection va immédiatement et automatiquement résoudre tous leurs problèmes de prédation. Malheureusement ceci est rarement le cas.
Autant de préoccupations que cet ouvrage tente d'aborder pratiquement afin d'apporter des réponses claires aux éleveurs/bergers désireux de mettre en place des chiens de protection dans leurs troupeaux.
Pascal WICK
Un chien de protection est un chien qui reste avec les moutons, sans leur faire de mal et qui repousse tous les agresseurs potentiels. Le chien reste avec les moutons car, depuis qu'il est chiot, il a été élevé parmi les moutons. Son comportement de protecteur est essentiellement instinctif et ne demande pas de dressage à proprement parler, si ce n'est des interventions, de temps à autre, pour corriger des comportements inappropriés : le jeune chien peut mordre les oreilles et les queues des agneaux/moutons, il peut être trop joueur, il peut avoir une tendance au vagabondage. Contrairement au chien de conduite (Berger des Pyrénées, Border collie. Beauceron, etc...), le chien de protection est un membre à part entière du troupeau.
3. CARACTÉRISTIQUES D'UN BON CHIEN DE PROTECTION
Un chien de protection idéal est intelligent, éveillé et sûr de lui. Il doit avoir de l'initiative et agir instinctivement lorsqu'il protège le troupeau. Il doit examiner tout ce qui s'approche du troupeau et, au besoin, être agressif s'il y a menace. Mais par dessus tout, le chien doit être attentif aux moutons et ne pas leur faire de mal.
Le comportement d'un chien de protection adulte est le résultat de son héritage génétique et de la façon dont il a été élevé, principalement entre deux et six mois. Les chiens de protection ont été sélectionnés pour leur caractère indépendant. Ils agissent indépendamment de l'homme. Cette caractéristique les rend têtus et ils répondent difficilement à des ordres verbaux.
Le sexe du chien de protection est indépendant de sa qualité de travail.
4. EFFICACITE DU CHIEN DE PROTECTION
Chaque année en France, les chiens domestiques sont à l'origine (de la mort d'environ 500 000 montons pour un cheptel comptant une dizaine de millions de têtes. C'est dire l'importance des dégâts. La prédation due à des animaux sauvages (lynx, loups et ours) est inférieure à l 000 moutons. La prédation par les chiens domestiques est diffuse sur l'ensemble du territoire. La prédation par les animaux sauvages est, quant à elle, localisée dans des zones bien précises. C'est donc avant tout pour se protéger contre les attaques de chiens domestiques que les éleveurs/bergers français ont réintroduit des chiens de protection dans leurs troupeaux.
généralement permis de mettre un terme à ces pertes. Dans la plupade protection reste avec le troupeau. Pour cela, il est primordial que le chiot soit issu de parents au travail et au contact des ovins dès son plus jeune âge. Il est ensuite nécessaire de séparer le chiot de ses parents, frères et sœurs, et de tous ceux de son espèce vers l'âge de huit semaines et de le placer avec des ovins, loin de la maison et des contacts trop fréquents avec les humains. Si le chien développe un lien fort avec les moutons dès sa huitième semaine, la plupart des problèmes rencontrés par la suite pourront être facilement résolus.
Dresser un chien de protection consiste principalement à élever le chien avec des moutons pour obtenir un chien qui les aime, leur soit attentif et les protège. Dès le début., il est important d'éviter les contacts entre le chien et les humains, les autres chiens, et les quartiers d'habitation. Le chien de protection n'est pas un animal de compagnie.
L'âge idéal pour placer un chiot de protection dans un troupeau se situe donc entre 7 et 8 semaines. A cet âge. le chiot doit être séparé de tout autre chien, y compris de ses parents et de ses frères et sœurs. L'idéal est alors de placer le jeune chiot dans un petit parc d'une quinzaine de m² au moins d'où il ne puisse pas sortir. On placera également à l'intérieur de ce parc entre trois et six moutons, de préférence des agneaux. S'il il'y a pas d'agneaux disponibles, il faudra mettre des brebis non agressives, ou mieux encore, des agnelles de remplacement. Il est bon de pouvoir changer régulièrement les ovins du parc. Ainsi, davantage de bêtes se familiariseront avec le chien de protection, facilitant d'autant mieux son intégration future dans le troupeau.
A l'intérieur de ce petit parc, le chiot doit disposer d'un coin où il puisse seul accéder afin de pouvoir s'isoler quand il en a envie. C'est dans cet endroit protégé que l'on placera sa nourriture. Il est toutefois bon que l'abreuvement soit commun aux moutons et au chiot. Ainsi, il y a partage et cohabitation. Pendant les premiers jours, le chiot doit être surveillé plusieurs fois par jour afin de vérifier que tout se passe bien,qu'il se nourrit, du 'il boit et que lui et les ovins présents dans son parc cohabitent pacifiquement. Au bout de quelques jours, ces visites pourront être espacées, deux visites par 24 heures devenant suffisantes.
Si l'un des ovins est exagérément agressif vis à vis du chiot, il doit être retiré et remplacé par un autre individu. Durant les visites quotidiennes, les rapports entre humains et chiot doivent être minimum, afin de favoriser les relations entre le chiot et les ovins.
Si le chiot est en contact avec des agneaux, il aura rapidement tendance à vouloir jouer avec eux. C'est un comportement qui favorisera son attachement aux ovins et qui doit être toléré. Toutefois, il ne faut pas, qu'au travers de ces jeux, le chiot devienne trop violent. Il pourrait avoir tendance à mordiller les oreilles et les queues des agneaux au point de les blesser, certaines blessures pouvant même entraîner la mort. Il est donc important d'intervenir pour arrêter ce type de comportement. Dans un premier temps, on essayera de stopper un tel comportement en réprimandant le chiot de la voix, par >exemple en. lui disant «NON» précédé de son nom, de façon autoritaire.
Si le comportement se maintient, on empoignera le jeune chiot par la peau du cou (une main de chaque côté du cou) et. en le secouant, on lui dira «NON» toujours précédé de son nom, de façon autoritaire, tout en le regardant dans les yeux. En contrepartie, lorsque l'on est près de lui et qu'il a un comportement approprié, on lui dira «OUI» précédé de son nom, de façon gentille et sympathique. Il est intéressant d'avoir un chien qui sache faire la différence entre ce que l'on apprécie qu'il fasse et ce que l'on ne veut pas qu'il fasse. En procédant de la sorte et simplement avec l'usage de la voix, on arrivera rapidement, dans la plupart des cas, à lui faire comprendre cette distinction.
Si ce comportement violent persiste, on pourra isoler le jeune chiot de tout ovin pendant un ou deux jours tout en faisant en sorte qu'il puisse continuer à voir les moutons à travers son enclos. On peut avoir recours à ces brèves périodes d'isolement dans d'autres circonstances, toujours pour apprendre au chien à faire la distinction entre ce qu'il doit faire et ce qu'il ne doit pas faire.
Vers l'âge de 4 mois, le jeune chien peut être incorporé au troupeau. Il est important à nouveau de suivre attentivement cette période de transition afin de pouvoir intervenir rapidement en cas de problème. Ee chien répondra probablement à cette nouvelle situation avec enthousiasme. Il se familiarisera avec son nouvel environnement en explorant non seulement l'espace occupé par le troupeau mais également les alentours de cet espace. Il faut veiller à ce que le chien ne s'absente pas du troupeau pendant des périodes trop prolongées. Il doit toujours revenir rapidement vers le troupeau. S'il ne revient pas promptement, il doit être ramené dans le troupeau. Il est alors important d'empêcher le chien de rester autour de la maison, avec des enfants, ou en quelque endroit où le troupeau n'est pas. Si le chien persiste à rester là où il n'est pas supposé être, il faut le remettre dans son enclos initial pendant deux à trois jours avant de le réintégrer au troupeau.